Raphaël Guastavi - Nouvelles technologies et transition écologique

Trois questions à Raphaël Guastavi, Directeur adjoint, Direction Économie circulaire, ADEME.

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Publié le 21/09/2023

Le numérique se développe fortement et occupe une place de plus en plus importante dans nos vies professionnelles et personnelles. Les outils numériques se multiplient et nos usages se modifient. Quels sont les principaux impacts sur l’environnement ? 

Les impacts environnementaux induits par les objets numériques peuvent se mesurer tout au long de leur cycle de vie et sur plusieurs critères. Les phases de fabrication et d’usage auront des répercussions sur l’utilisation de ressources, notamment matières et énergie, directement ou indirectement responsables d’émissions de gaz à effet de serre, de pollution de l’air, de perte de biodiversité… 

La phase de fabrication nécessite une grande consommation d’énergie, dont les impacts en termes d’émissions de gaz à effet de serre sont d’autant plus importants que les pays producteurs ont recours à des énergies carbonées (charbon) dans leur mix énergétique. Elle requiert également de grandes quantités de matières, notamment de métaux dont les ressources sont limitées. L’augmentation du nombre d’objets produits et de leur complexité, leur puissance, leur miniaturisation, tout cela accélère la demande de métaux dits stratégiques (terres rares, cobalt…) – et donc la pression environnementale, économique et sociétale du numérique. 

Dans la phase d’usage, l’intensification des transferts et flux de données (développement exponentiel des services de vidéos en streaming en haute définition, réseaux sociaux…) nécessite une très grande consommation d’énergie, et donc là aussi est fortement émettrice de gaz à effet de serre.

« L'augmentation du nombre d'objets numériques accélère la demande de métaux stratégiques »

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La fin de vie des produits électriques et électroniques aura quant à elle des impacts sur la gestion des déchets des ménages et des professionnels, qui seront, au mieux, dirigés vers des filières de recyclage, sinon éliminés après valorisation énergétique ou enfouis. Là aussi, l’enjeu se trouve dans la conception des produits, qui doivent être durables, réparables, et conçus pour être plus recyclables dans leur phase de fin de vie. 

Mais en même temps, les outils et technologies numériques peuvent être un levier de la transition écologique et énergétique. De quelle(s) manière(s) ?

Oui, à condition que ces outils ne soient pas une finalité mais bien un moyen d’accélérer et faciliter la transition énergétique et écologique. Le numérique doit répondre à un besoin, exprimé par tous les acteurs, citoyens, collectivités, entreprises dans un projet commun. L’autre condition est que ces outils soient écoconçus et ne représentent pas un impact environnemental plus important que celui qu’ils cherchent à éviter. 

C’est la conjugaison de l’internet des objets, du big data, des terminaux mobiles et du cloud qui permet la production de données, leur accès et leur exploitation dans l’objectif de servir la transition. 

L’utilisation du numérique peut être efficace dans de nombreux domaines : régulation des systèmes énergétiques (smart grid), mobilité, économie circulaire… Par exemple : dans le domaine de l’économie circulaire, les plateformes web d’échanges de ressources entre entreprises (dans le cadre de l’écologie industrielle territoriale) accélèrent l’intégration de matière recyclée dans la production. Autre exemple, faciliter la réparation de produits par l’intégration de capteurs et d’une interface connectée pour diagnostiquer les appareils et détecter les panne – parfois même avant qu’elles ne se produisent – favorise l’allongement de la vie des produits. 

Dans l’écosystème urbain, la mise en oeuvre de compteurs communicants dotés de capteurs permet de connaître très précisément la consommation de tous les bâtiments et d’identifier les moments de pointe de consommation d’énergie. Ces données permettent de lisser la consommation aux heures de pointe en déconnectant des appareils et de fournir aux consommateurs des informations indispensables pour agir sur leur comportement.

« Le numérique doit répondre à un besoin, exprimé par tous les acteurs dans un projet commun »

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La mobilité est facilitée grâce à l’information sur la disponibilité des transports collectifs et autres services à la mobilité ; on peut accéder à un service d’autopartage ou de covoiturage via une application. 

On pourrait aussi citer l’apport dans le stockage de l’énergie, de la production d’énergie renouvelable, dans l’optimisation de la gestion des déchets… 

On emploie parfois l’expression « sobriété numérique ». De quoi s’agit-il exactement ? 

Le programme So.Num74 définit la sobriété numérique comme « une démarche qui consiste, dans le cadre d’une réflexion individuelle et collective, à questionner le besoin et l’usage des produits et services numériques dans un objectif d’équité et d’intérêt général. Cette démarche vise à concevoir, fabriquer et utiliser les équipements et services numériques en tenant compte des besoins sociaux fondamentaux et des limites planétaires ». 

Elle peut se traduire sous deux approches : réduction des impacts de la « consommation » et de la « production ». La réduction de l’impact du numérique ne peut se faire qu’à condition de concilier ces deux approches en parallèle. 

Il s’agit de répondre au juste besoin d’équipements et de services, puis de prolonger la longévité des objets du numérique, tout d’abord en faisant durer nos équipements numériques. Par exemple, passer d’un usage de deux à quatre ans pour une tablette améliore de 50 % son bilan environnemental ; ou encore entretenir son matériel et le faire réparer en cas de panne. De façon générale, il convient d’agir en tant que consommateur responsable et de s’équiper en fonction de son besoin. 

Il s’agit également d’être vigilant sur les consommations énergétiques, en désactivant les fonctions inutilisées (GPS, Bluetooth…), en passant en mode économie d’énergie et en éteignant complètement les appareils. 

La consommation de contenus et données doit également être réfléchie, limitée aux besoins réels ; la futilité de certains contenus, consommés en masse, a un poids environnemental non négligeable. 

Pour les fabricants de matériel, la sobriété passe par l’écoconception, souvent récompensée par l’obtention de labels (comme EPEAT ou TCO). Des projets de recherche issus du programme Perfecto piloté par l’ADEME visent à concevoir des briques techniques d’application et logiciels écoconçus, qui permettront de réduire les consommations d’énergie et l’obsolescence matérielle.

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